Comme le jardin est en sommeil-sieste pour cause de canicule persistante + 42° C à 15 h 00 de l'après-midi... je vais vous montrer quelques arbres emblématiques de ma contrée.
Tout d'abord l'arbre totem des Volques Arécomiques, un des nombreux peuples gaulois (celtes serait plus exact) qui habitaient dans la région des plateaux qui partaient de Nîmes vers les Cévennes. J'ai donc nommé le Micocoulier (Celtis australis)
Il mesure 3 mètres pour 15 ans d'âge, il y a n'a un autre derrière lui qui est nettement plus petit, pourquoi ? mystère |
Un arbre qu'on connaît assez mal ces dernières décennies dans le midi pour cause de : "non vintage".
En effet , c'est un arbre endémique, qui ne paye pas de mine, il n'a pas de prédateur (du moins pour l'instant), il est adapté à notre climat un peu bizarre : été caniculaires, hivers froids avec vent et des pluies selon l'humeur du ciel.... enfin bref LE arbre idéal , mais point exotique, et parfois cette dernière condition est rédhibitoire.
Pourtant longtemps nos anciens, ceux du XIXème et début du XXè l'ont planté comme arbre dans les allées et le long des routes, pour remplacer le platane. Il supporte aussi la pollution sans que cela le perturbe dans sa vie, la seule difficulté et elle est de taille, sa croissance assez lente au début. Vous le trouverez à Arles sur la promenade des Lices , à Nîmes idem, tout comme dans certaines rues de Montpellier. Comme sur le devant des mas pour l'ombre, qu'ils dispensent facilement.
Il peut atteindre 15-25 mètres de hauteur, les feuilles sont caduques d'un vert sombre en forme de feuilles lancéolée. Il faut choisir le lieux de plantation avec prudence car il peut vivre jusqu'à 500 ans selon la littérature.
Et puis vous le trouvez à Sauve sous forme de cépées. Je vous avais déjà parlé du "Conservatoire de la fourche à Sauve" < http://fourchedesauve.free.fr > et de ces merveilles.
Mais en dehors des fourches et autres râteaux, on se servait aussi de son bois pour les manches des outils, notamment de ceux des carriers. Le bois a des fibres assez longues mais serrées ce qui le rend idéal pour la confection de manches, il se tord, a du ressort, et casse difficilement. Comme il supporte la vapeur et donc par là même la chaleur + eau c'est le bois idyllique pour être utilisé dans des conditions extrêmes. Tout comme des rameaux fins on fabriquait des cravaches en le tressant.
Leur écorce peut aussi servir de teinture : couleur jaune.
Pendant les deux dernières guerres on se servait des ses fruits (des micocoules, petites baies noires à maturité) comme ersatz de café, une fois torréfiées, autrefois on en faisait aussi une liqueur (a base de vin blanc).
Et je passe du fait que les feuilles donnaient une litière aux animaux.
Pour ma part j'en ai planté quelques uns, les autres sont dus à l'aide jardinières des oiseaux qui raffolent des fruits et qui les dispersent de partout.
Mes micocouliers commencent, au bout de 15 ans, a avoir enfin à un développement correct mais comme ils vivent vieux, ils ont tout leur temps pour atteindre leur taille respectable, et moi le temps de les admirer car je trouve que ces arbres ont "du chien".
Autre arbre emblématique de ma région : c'est le Murier à mures ou Murier à feuilles de platane (Morus Bombycis). Non seulement cet arbre nous donne de l'ombre, dans notre région où on recherche systématiquement à nous mettre à l'abri de la canicule l'été... et pas que pour déguster l'eau anisée ou le petit rosé de tonton.
Un des deux muriers, devant la maison bien entendu |
Mais cet arbre a surtout servi à nourrir les magnans c'est-à-dire les vers à soie (ou bombyx mori). C'était une économie de femme, au XIXè se sont elles qui éduquent (eh oui on dit ainsi pour élever les vers à soie) les vers, ce sont elles qui les portent, littéralement, de l’œuf au cocon et ensuite qui transforment les cocons en fil à soie très précieux pour les soyeux de Lyon.
D'ailleurs ce sont ces derniers qui ont initié cette culture en Cévennes et sur ses contreforts. Ils apportaient en février aux femmes des sachets dans lesquels il y avait les précieux œufs, ces dernières attachaient les sachets sur des ceintures sous leurs jupes (il fait chaud et l'hydrométrie est constante et parfaite pour que les œufs éclosent... sic). Une fois les minuscules vers sortis on les gardait au chaud sur le potager (lieu humide dans la cuisine) dans un panier et on les nourrissait avec les premiers bourgeons des muriers à peine éclos. Au fur et à mesure que les feuilles grandissaient les vers aussi et vice-versa. Vers les mois de juillet - août les vers étaient de grosses larves bien dodues et à ce moment là on allait en garrigue cueillir des branches de genêts-scorpion (une saleté qui pique) sur lesquels les larves grimpaient pour faire le magnan autrement dit le cocon. Une fois ce dernier bien fait on ramassait les branches et on les plongeait dans des marmites d'eau bouillante sauf quelques uns qu'on laisse éclore pour les œufs de l'an prochain. On était bien obligé de les ébouillanter pour garder le cocon intact et après une nouvelle plongée dans l'eau bouillante, qui permettait d'ôter la "colle" on dévidait le fil. Tout ceci était une affaire de femme. Dans les greniers des maisons cévenoles on a aménagé des magnaneries qui servaient à chaque famille d'arrondir leurs fin de mois. C'était un complément de revenu assez appréciable, surtout que les travaux se déroulaient à un moment de l'année où la vigne laissait quelque répit.
Pour donner les feuilles aux vers on coupait les branches neuves de l'année et on effeuillait ces dernières.
Les vers étaient sur des "claies" ( ce sont des étagères assez larges, faites en roseaux) et sur lesquelles on posait une couche de feuille par jour au début, pour terminer par deux voire tout à la fin, par trois couches par jour.
Il reste encore de très vieux muriers qui ressemblent à des arbres trognes et qui ont subi cette coupe.
Afin de s'épargner des aller-retours fréquents on plantait donc les muriers devant les mas des paysans, ou même devant les cabanons et autres mazets.
C'est encore aujourd'hui une tradition, le descendant de paysans mettra plutôt un murier devant sa terrasse plutôt qu'un arbre "exotique". Et chaque automne on lui coupe les branches de l'année en forme de table pour en faire un parasol végétal. On a perdu souvent le pourquoi du geste mais le geste reste...
Pour revenir à des considération plus terre à terre , les muriers, à condition qu'on les laisse aller à leur envie naturelle "montent" à 8 mètres de hauteur, ils supportent la sécheresse, le gel et les coupes des apprentis élagueurs sans problème.
Le tronc peut se creuser, sans que cela affecte l'arbre dans sa vie (ne pas mettre de ciment ou autres cochonneries dans les creux svp, c'est cette déplorable habitude qui fait mourir l'arbre).
Le seul hic ici aussi c'est la longévité de la chose en question : 500 ans...
Ils ont des fruits, des mures, qui sont bonnes à manger, et qui sont à déguster au mois de juin, même si elles ne seront sans doute jamais sur une carte de grand-chef. Autrefois on en fabriquait une confiture, peu sucrée car en effet ils en contiennent fort peu. Les drupes, peuvent être de deux couleur : blanche ou violette, ces dernières sont, à mon goût plus gouteuses.
Chez nous ce sont les chiens qui en raffolent, tout comme les oiseaux. Inconvénient majeur, et il faut le savoir, les mures tachent les sols, donc si on veut planter des muriers il existe aujourd'hui des variétés sans fruits.
Bon la science c'est comme la confiture et pour ce soir je vous en ai fait assez avaler.
Sur ce je vous souhaite bonne lecture et à une prochaine suite.